Contrairement au classement de 1855, désormais gravé dans le marbre pour l’éternité après le (re) classement de Mouton en 1973, le classement de Saint-Émilion rebat les cartes tous les dix ans. Cette 7ème édition dont certains attendaient un bouleversement total a accouché d’une (belle) souris.

 

Contrairement au classement de 1855, désormais gravé dans le marbre pour l’éternité après le (re) classement de Mouton en 1973, le classement de Saint-Émilion se veut un modèle d’ascenseur qualitatif aux yeux du grand public.

Un peu d’histoire : c’est en 1954 que Saint-Émilion – alors regardé de haut par les seigneurs du Médoc, a voulu lui aussi son classement. Au tout début du système des appellations françaises, en plus de l’AOC Saint-Emilion accordée en 1936, naissent trois nouvelles appellations : Saint-Émilion Grand Cru, Saint-Émilion Grand Cru Classé et Saint-Émilion Premier Grand Cru Classé avec une distinction spéciale « A ».

Pour éviter que les querelles de clocher dramatiques du classement de 1936 ne se reproduisent, les vignerons décident d’un système original : le classement sera remis en cause tous les dix ans.

Le classement 2022 vient d’être révélé, et surprise pour beaucoup, il ne sera sans doute pas contesté. Le précédent avait vu, lui, les procès se succéder,  certains n’étant pas terminés. Par exemple, Hubert de Boüard, propriétaire du château l’Angélus condamné à une amende (à raison pour certains, à tort pour d’autres). Le village reste divisé sur le sujet.

Loin de nous l’envie de prendre parti, Chais d’œuvre salue le travail d’apaisement du comité de classement, qui, cette année, au terme de longs mois d’un travail minutieux, a consacré 85 propriétés dont 2 Premiers Grands Crus Classés A. Château Figeac qui, au sommet de la pyramide,  rejoint Château Pavie, seul des quatre classé A du classement précédent. Les trois autres s’étant retirés : Ausone, Cheval-Blanc et l’Angélus, mécontents de la grille de classement, trop axée selon eux sur des critères trop loin du vin, du terroir, de l’aptitude à vieillir et de la vérité du marché. Château la Gaffelière, lui, s’est retiré du classement Grand Cru Classé.

 

Le village de Saint-Émilion | Bordeaux Tourisme & Congrès

 

Seul le prix moyen de vente devrait-il compter, comme ce fut le cas en 1855 pour le Médoc ?  Les débats n’ont pas fini d’animer les dîners de vignerons, mais, au temps d’Instagram, de l’œnotourisme, de la mondialisation du marché des grands crus, appeler le changement ou maintenir la tradition oblige à choisir son camp.

Les dossiers de candidature, top secret, étaient coûteux et demandent un travail très important à la commission pour permettre de juger un domaine dans son ensemble. De son assiette foncière au confort des toilettes, de la capacité de vieillissement des vins à l’exposition médiatique, balayant chaque château aux rayons X.

Pas facile de juger, mais à la lecture du règlement, certains ont pensé que les vannes de récompenses allaient s’ouvrir sans réserve : on parlait, sous le manteau, de 4 nouveaux, voire 6 nouveaux Premier Grand Cru Classé et de deux, voire quatre nouveau Premier Grand Cru Classé A. Le classement aurait perdu beaucoup de sa valeur.

Il n’en est rien et, au café du village, la tension est soudainement redescendue, tout le monde étant d’accord sur le classement de Figeac, dont le nouveau chai pharaonique impressionne.

Enfin, au-delà du plaisir de monter en grade, il est bon de savoir, pour l’amateur, que pour les châteaux, la montée dans le classement n’est pas seulement une récompense. En fonction du verdict, la valeur des terres explose littéralement dans la nuit. On parle d’une multiplication de x 3 à x 5 de la valeur foncière à l’hectare pour un classement Grand Cru, sans doute au moins x 10 pour un classement en Grand Cru Classé. Quant à un château classé en A, son prix est impossible à fixer, mais le gain s’évalue en centaines de millions d’euros.

Une affaire sérieuse, donc.

Le temps dira si les nouvelles générations continuent à regarder, loin là-haut, Cheval-Blanc et Ausone hors classement désormais, sur un mont Olympe autoproclamé ou si, réseaux sociaux obligent, les jeunes générations suivront le classement et adoreront de nouvelles idoles. En attendant, Jean-François Galhaud, président du Conseil des Vins de Saint-Émilion se réjouit : « malgré les difficultés, le bien-fondé et la pertinence du classement des crus de Saint-Émilion demeurent ». Ce nouveau classement arrive donc avec l’espoir d’une sortie « par le haut », capable de redonner de l’élan à tout le groupe des Grands Crus Classés, et enfin, à toute l’appellation. Nous l’espérons aussi.

On retiendra que pour cette année, ce sont 114 dossiers de candidature qui ont été déposés pour plus de 500 viticulteurs dans le vignoble en juillet 2021. Voici les résultats finaux :

 

Premiers Grands Crus Classés

Château BEAU-SEJOUR BECOT
Château BEAUSEJOUR HERITIERS DUFFAU LAGARROSSE
Château BELAIR MONANGE
Château CANON
Château CANON LA GAFFELIERE
Château FIGEAC (distinction A)
Château LARCIS DUCASSE
Château PAVIE (distinction A)
Château PAVIE MACQUIN
Château TROPLONG MONDOT
Château TROTTEVIEILLE
Château VALANDRAUD
CLOS FOURTET
LA MONDOTTE

Retrouvez la suite du classement sur le site des vins de Saint-Emilion