La fête du 14 juillet approche ! Entre défilé militaire, bals des pompiers et feu d’artifice, Chais d’oeuvre vous propose d’apporter des réponses à quelques questions autour du vin à Versailles. Ensemble nous allons découvrir les vins que buvaient les rois et la cour, comment ils étaient achetés et à quels moments de la journée le roi pouvait s’en délecter.
Par Alexandre Loire, Historien
« A boire pour le Roi » crié par l’échanson signifie que le cérémonial du vin et de l’eau peut débuter à la table du Grand Couvert. Il est d’usage de couper le vin avec de l’eau et le Roi apprécie ce breuvage. Mais quel est ce cérémonial ? Comment se procurait-on le vin ? Où l’entreposait-on ? Quel vin se trouvait à la table du Roi ?
Le cérémonial
Lorsque le roi souhaite boire, l’échanson posté à ses côtés, s’écrie « A boire pour le Roi ». Précédé d’un garde, il rejoint le buffet où se tient en permanence le chef de l’Échansonnerie-Bouche. Celui-ci remet à l’échanson un plateau d’or, sur lequel se trouvent deux carafes, des taste-vin de vermeil ainsi que le verre du roi qui est recouvert pour éviter tout empoisonnement.
Revenus face au roi, les deux personnages font une profonde révérence, puis entament des essais en mélangeant le vin et l’eau, goutté en premier par le chef de l’Échansonnerie-Bouche et en second par l’échanson. Si l’essai est concluant (c’est-à-dire, ni l’eau ni le vin ne sont empoisonnés), l’échanson après une nouvelle révérence, découvre le verre du roi, lui tend le plateau afin que le monarque se serve de vin coupé. Lorsque ce dernier a suffisamment bu, il repose son verre sur le plateau, l’échanson le recouvre et après une ultime révérence, rend le plateau au chef de l’Échansonnerie-Bouche, qui le rapporte au buffet. Lors des grandes cérémonies, un garde portant une carabine à l’épaule, accompagne le cortège du buffet à la table.
Pour les besoins en boisson dans la journée, le roi trouve deux bouteilles de vin et deux carafes d’eau, dans la «cantine» installée dans un cabinet jouxtant ses appartements.
Lors de ses sorties à la chasse ou lors de ses déplacements, le monarque dispose de deux flacons d’argent pour l’eau et le vin entreposés dans une valise de drap rouge galonné d’or, frappée à ses armes.
L’achat du vin
L’achat du vin est sous la responsabilité du Grand maître de France, appartenant à la Maison Civile du Roi. A Versailles, les princes de Condé détiennent cette charge. Une fois que le Grand prévôt de France ait fixé le prix maximum auquel le vin peut être négocié, le Grand maître de France passe un contrat devant notaire, mentionnant le prix, les quantités de bon vin pour le roi et celui pour le Commun, c’est-à-dire toutes les personnes ayant bouche à Versailles, en dehors du roi et des princes.
Les fournisseurs sont des marchands privilégiés, patentés par le roi, ayant le statut de marchands de vins et cabaretiers. Leur nombre est important : en 1683, ils sont 20 marchands de vin en gros et au détail et 14 cabaretiers. Ils ont aussi un statut d’exception : ils se rendent librement dans les terroirs, ramènent leur cargaison de manière sûre, ont des franchises fiscales et peuvent bloquer la vente de vin d’un producteur à d’autres négociants jusqu’à ce qu’ils se décident sur la quantité et la qualité qu’ils souhaitent.
Le stockage du vin
En principe, le vin est stocké sur les quais et à proximité des ports de Paris. Lorsque le roi est à Versailles, les caves principales sont à Sèvres pour le premier grand fournisseur ou dans une maison jouxtant le Grand Commun pour le second grand fournisseur.
Parmi les 350 serviteurs s’occupant des repas et des boissons du roi, des princes et des officiers, le contrôleur ordinaire de la Bouche a en charge le vin et l’eau, cherche dans les dépôts les quantités nécessaires pour la journée et les enferme sous clé.
Au temps de Louis XV, on prépare des bouteilles pour la journée, entreposées dans le sous-sol près de la Petite Cour du Roi. Sous Louis XVI, les réserves sont installées dans les caves voûtées du Grand Commun.
Les différents vins
Grâce aux Mémoires des Premiers valets de chambre ou aux inventaires après décès des marchands de vins, on découvre le nombre de bouteilles et la variété des vins consommés au temps des rois à Versailles.
Le vin de Champagne
Louis XIV en aurait goûté pour la première fois en 1654 et fut sa boisson favorite jusqu’en 1694. En ce temps là, il est blanc ou rouge, mousseux ou « tranquille », consommé à table, utilisé en cuisine et toute la Cour l’apprécie. Le Régent n’organise pas ses soirées libertines sans champagne et Madame de Pompadour dit que « ce nectar est le seul à laisser les femmes belles, après l’avoir bu… ». Louis XV apprécie le champagne « mousseux », les caves de Sèvres en détiennent plus de 50 000 bouteilles en 1733, puis il adopte le champagne « tranquille » vers 1740, en provenance de Sillery ou Épernay.
Le vin de Bourgogne
C’est le vin de prestige des Rois. Depuis le XIV siècle, les ducs de Bourgogne veillent à leurs vignes, leurs cépages, favorisant le commerce vers le Nord, interdisant aux vins du Sud de traverser leurs terroirs. Ces vins de Bourgogne ou de Beaune ont été servis au pape Grégoire XI ; Philippe le Hardi les a vendus aux Pays-Bas, à la Belgique, à l’Allemagne, tout en restant en concurrence avec le vin de Champagne. A partir du moment où Fagon médecin de Louis XIV, décrète que les vins de Bourgogne sont meilleurs à la santé, leur production et leur vente augmentent considérablement. Sous Louis XV, on compte plus de 335 000 litres d’appellation comme Mâcon, Tonnerre, Irancy, Meursault et dans les caves de Louis XVI, on trouve en plus les noms Chambertin, Vougeot, Vosne Romanée.
Les autres vins et les vins étrangers
D’après l’inventaire de 1782, le roi boit aussi des vins du Languedoc, de Vauvert, de Frontignan, de Graves, de Sauternes, ainsi que des vins de Bordeaux ou encore de la bière, sans oublier le Chablis, le Malaga, le vin de Malvoisie ou encore le vin de Fronsac servi très souvent lors des retours de chasse de Louis XV. Parmi les vins étrangers, on trouve dès 1733 des vins de Madère, des vins du Rhin, des vins d’Alicante. Dans les inventaires sous Louis XVI, il y a le Tokay provenant de Hongrie et surnommé déjà par Louis XIV «le roi des vins et le vin des rois». Le vin du Cap de Constance arrive en Europe en 1761, créé par les huguenots bordelais qui avaient fui la France pour l’Afrique du Sud, province hollandaise.
On le voit, le vin a une grande importance : le médecin le prescrit, il est indispensable sur la table, il peut être synonyme de prestige selon l’appellation et a un côté « saint » puisqu’on remplit le verre du Roi Très Chrétien avec ce breuvage.
Bonne fête nationale à nous tous! Viva la France!